Suivez le voyage d'Elisabeth Bon et Sylvain Triquet aux Iles Kerguelen

Elisabeth Bon et Sylvain Triquet sont partis de novembre 2009 à janvier 2010 pour une mission de 2 mois sur les îles Kerguelen: Venez suivre leur aventure et apprendre comment la CHIMIE peut mener à l'autre bout du monde, et comment l'UFR de Chimie de l'Université Paris7 Denis Diderot s'étend jusqu'aux îles Kerguelen en y installant des expériences de chimie de l'environnement.

Le but du voyage

Faire de la chimie dans l'environnement, c'est aussi se déplacer pour observer en différents endroits de la Terre le comportement des composés chimiques, leur réactivité et leur impact. Le LISA est un laboratoire qui fait de la chimie de l'environnement atmosphérique et une de ses thématique concerne l'impact de cette chimie sur  la vie des Océans. Le but de cette expédition est de maintenir deux stations de prélèvement situées dans l'Océan Austral Indien, une à Crozet et l'autre à Kerguelen. Ces station collectent des poussières en suspension dans l'air et de la matière qui retombre sur la surface océanique. On se place sur des îles car on cherche à documenter la dynamique temporelle de la composition atmosphérique et du dépôt. En plein Océan, l'atmosphère apporte des micro-nutriments au phytoplancton qui peut ainsi croître en consommant du dioxyde de carbone: c'est une des clés du cycle du carbone et de l'élimination du CO2 atmosphérique.

 

Deux types de phytoplancton: Diatomées (à gauche) avec un exosquelette siliceux (SiO2), et coccolithophoridées (à droite) avec un exosquelette calcaire (CaCO3).

Comme tous les organismes vivants photosynthétiques, le phytoplancton se nourit d'eau, de CO2, de nitrate, de phosphate et d'un tas d'autres éléments chimiques en très faible quantité dont le fer, le manganèse, le cobalt, le zinc, etc....ce sont les micro-nutriments ou oligo élémnts. En plein Océan, ces micro-nutriments sont principalement apportés par voie atmosphérique. Lorsque les macro nutriments sont en quantité suffisante, la croissance du phytoplancton est limitée par l'apport de micro-nutriments. C'est le cas sur tout l'Océan Austral comme le montre la carte globale ci-après, où on voit de fortes concentrations en phosphore dans les eaux de surface, phosphore qui n'est pas consommé faute de micro-nutriments. On apelle "HLNC" (High Nutrients Low Chlorophyle en anglais) ces zones océaniques où ce sont les micronutriments qui limitent l'expansion du phytoplancton. Pour être efficace, les micro-nutriments doivent être assimilables par le phytoplancton (on dit biodisponibles). C'est la partie solubilisable qui aura le plus grand impact.

Evolution au cours de l’année de la concentration moyenne en chlorophylle a (marqueur de la présence du phytoplancton) dans les eaux de surface de l’océan - animation réalisée grâce aux données obtenues par le capteur satellital SeaWiFS (moyenne des données obtenues d’octobre 1997 à avril 2002). Par Bernard Queguiner (http://www.com.univ-mrs.fr/LOB/spip.php?article60)

Et la Chimie? Elle sera faite avec retour au laboratoire des échantillons prélevés sur place: analyse élémentaire, labilité des éléments chimiques micro-nutriments dans leur échange avec une phase aqueuse, solubilité de ces éléments, détermination des composés chimiques portant ces élément (minéralogie) et forme chimique dans laquelle ils se trouvent (spéciation Redox, acide, complexes, etc...).

Le 18 Novembre 2009

Le voyage commence vraiment après l'arrivée à La Réunion: Le voyage de Paris dure 11 heures pour pas loin de 10000 km. On terminera en autocar de l'aéroport vers la ville de Le POrt où attends à quai le Marion Dufresne. C'est un bateau de 130 m de long et 40 de large, prêt à afronter la dureté des mers Australes venteuses et agitées, mais pas la banquise!

Image 1: Le Marion Dufresne à Quai

Tout l'équipage et tous les dockers se pressent pour charger le navire: du matériel scientifique, du matériel pour la logistique dans les bases, de la nourriture, etc... C'est le seul lien matériel qui unit les îles Australes françaises au reste du monde.

Quand tout est fini, on s'en va! C'est avec un petit pincement au coeur que l'on regarde la dernière amare qui tombe à l'eau, le bateau qui se détache du quai, et la mer qui entoure la coque sans qu'aucun lien matériel ne nous relie plus à la terre. Surtout qu'on va faire 4000 km sur des eaux profondes et agitées.

 


Le 19 novembre

Le Marion Dufresne est en pleine mer. Le temps est pas bon et la mer est mauvaise. Mais c'est trop tard, la tempête tropicale, il faudra la supporter jusqu'au bout...

 

Toute cette agitation n'empêche pas de faire des prélèvements d'air. De l'air est pompé à travers un filtre (avec une porosité de 0.5µm). Les particules présentes dans l'air sont retenues et seront analysées plus tard au laboratoire, ici à Paris. Regardez nos deux intrépides explorateurs changer le filtre en hauteur.


Le 23 Novembre

Arrivée à Crozet !

Il faut se dépécher, un coup d'hélicoptère pour installer deux mats de support pour des entonnoirs à Pointe Basse. 1h30 après, c'est fini, il faut repartir.

On installe rapidemment des systèmes supportant les futurs préleveurs. Ca doit durer au moins un an.

Et voilà, le bateau repart sur Kerguelen ....


Le 28 novembre

Débarquement à Kerguelen

On va pouvoir commencer à faire de la chimie. Au programme, installation d'une "salle blanche", en fait une salle propre dans un bâtiment de la base, puis mesures de pH et de conductivité dans les rivières. La tâche est difficile, il faut s'habituer au très rudes conditions climatiques sur place. On va y rester un peu plus d'un mois. On est en été là bas: les températures oscillent entre 2 et 8°C, le vent souffle rarement en dessous de 4 m/s avec des pointes pouvant aller jusqu'à 40 m/s pendant une heure. Le paradis des éoliennes à condition qu'elles soient solides.

 

Le 12 janvier 2010

C'est le départ sur le Marion Dufresne pour le retour chez soi et aussi au labo. Dan deux semaines cette longue mission sera un souvenir très fort.